Guinée : autopsie d’une souffrance généralisée

Article : Guinée : autopsie d’une souffrance généralisée
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12 février 2020

Guinée : autopsie d’une souffrance généralisée

Nous n’en pouvons plus. Trop c’est trop. Toute cette souffrance qui se lit dans les yeux de mes compatriotes et moi est le signe d’un profond malaise qui gangrène notre société. Partout à Conakry, il suffit de jeter un coup d’œil à la rue, c’est la misère. Les gens voguent plus qu’ils ne marchent, vocifèrent plus qu’ils ne parlent. Et même moi, parfois, je tire le diable par la queue.

Nous, guinéens lambda, ne vivons plus ; nous survivons. Car nous sommes tiraillés, coincés entre deux chaises, deux situations qui se chevauchent et qui nous retombent en pleine figure. Entre les marches tantôt pacifiques tantôt émeutes sur fond de désobéissance civile et un président qui ne nous calcule plus, nous, guinéens lambda, souffrons. Nous n’arrivons plus à gagner paisiblement notre petit bout du pain quotidien. Notre train de vie est complètement chamboulé par cette atmosphère morose de grèves et manifestations qui ne finissent donc jamais. Car ici à Conakry, mais aussi dans quelques villes de l’intérieur du pays, en début de semaine, la coutume c’est les manifestations. Qu’elles soient organisées par le Front National de Défense de la Constitution (FNDC) ou je ne sais quelle autre organisation, elles nous paralysent et nous appauvrissent encore plus. Tout cela à cause de cette histoire de troisième mandat ! Résultat : morts d’hommes et destruction de biens publics et privés.

« C’est ça, la grève »

Mais est-ce vraiment ça la grève ?! Nous, guinéens lambda confondons la grève et l’émeute car pour la majorité d’entre nous tout se résume à bloquer les routes et à brûler des pneus afin d’empêcher tout véhicule d’y passer. Et pour ceux qui tentent malgré tout de forcer le passage, c’est les cailloux. Ils se feront caillasser tout simplement. Et pour les malheureux d’entre nous qui tombons dans les filets de la police, ils se feront molester et piétiner dans leurs pick-up jusqu’au poste.

Mais est-ce vraiment ça la grève ?! Quand les forces de l’ordre interviennent, dans l’excès, quand des policiers sèment la terreur sous prétexte de vouloir rétablir l’ordre dans la cité, en tirant des coups de feu et Dieu seul sait où atterriront toutes ces balles perdues ?! Ils battent et humilient tout le monde, vieux comme jeunes ! Quitte à disperser des manifestants, tous les moyens sont bons. Y compris utiliser une femme comme bouclier humain comme c’est le cas dans cette vidéo

La vérité c’est que nous sommes tous fatigués

La vérité c’est que nous sommes tous fatigués. Population comme policiers, dirigeants comme dirigés. Alors pourquoi ne pas se mettre autours de la table, histoire de laver le linge sale en famille ? Ne nous voilons plus la face : tout le monde est affecté par cette crise, de près ou de loin. Certains ont perdus des proches qui sont tombés en martyrs, d’autres portent encore les marques de leurs blessures sur leurs corps. Nous avons tous un parent, un ami, un collègue quelque part dans ces quartiers chauds de la capitale. Raison de plus d’appeler au calme et au dialogue entre les différentes parties. Appelons nos dirigeants et nos hommes en uniformes à plus de raison et surtout de retenue :

« Cher policier, il se peut que le canon de ton fusil pointe (à ton insu) sur ton propre frère… alors réfléchis à deux fois avant d’appuyer sur la gâchette ! »

Les manifestants se font gazer et molester par des hommes en uniformes qui ont trop souvent la gâchette facile. Au moins 26 civils et un gendarme ont été tués depuis la mi-octobre.

C’est ça qui se passe réellement en Guinée et c’est comme ça depuis des décennies :la carotte pour les militants et sympathisants du pouvoir et le bâton pour tous les opposants et les manifestants.

Et pendant ce temps, nous, guinéens lambda continuons de souffrir et de nous enfoncer dans notre pauvreté.

Moi je dit non, NON ! Plus jamais ça en Guinée.

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