Être un écologiste en Guinée, un parcours de combattant

Article : Être un écologiste en Guinée, un parcours de combattant
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2 mai 2017

Être un écologiste en Guinée, un parcours de combattant

Bâtir un environnement sain et durable, voilà un concept qui a échappé à bon nombre de guinéens. J’aime mon pays, et mon rêve c’est de voir toutes ses rues retrouver leur image d’antan. Car il fut un temps où la Guinée et sa capitale Conakry furent appelées la « perle de l’afrique occidentale ». La  « perle », vous vous imaginez ? Tellement tout y était propre et harmonieux !

Mais de nos jours, partout dans les rues de Conakry on retrouve des déchets. Des ordures ménagères, des sachets d’emballages jonchent le sol et les caniveaux sont bouchés. Les eaux usées sont jetées dans la rue et dans certains quartiers on retrouve d’immenses décharges d’ordures sauvages à proximité des zones d’habitations. En saisons pluvieuses les caniveaux se bouchent, ce qui occasionne des inondations.

Quand on voit cela, on se croirait dans un reportage de National Géographic mais cette scène est devenue banale dans la vie de mes concitoyens.

Une rue propre est devenue “le” défi à relever pour tous les guinéens, car de nos jours : une rue propre est tout sauf guinéenne !

Il est très difficile d’être un écologiste en Guinée. Quand j’explique et je sensibilise mon voisin sur l’importance de la protection de l’environnement, je me rends compte de toute la complexité de cette tâche. Un jour, il me dit :  « oui, j’ai compris et je ne ferai plus » et le lendemain je le vois jeter encore son sachet d’eau devant moi dans la rue ! J’ai vite compris que cette tâche est non seulement complexe mais aussi et surtout elle est répétitive !

« J’ai oublié » me dira-t-il ! Mais en réalité c’est devenu un réflexe pour lui. Il ne peut se passer de jeter son petit sachet d’eau dans la rue car cela est devenu incoercible, une seconde nature. Et puis de toutes les façons, il l’aurait jeté où, ce sachet ? Des poubelles, il n’y en a pratiquement nulle part ! Alors on a deux choix :

  • primo : on se débarrasse vite fait de son sachet en le jetant dans la rue ou bien;
  • deuzio : on le traîne avec soi jusqu’à la maison en endurant les moqueries de ses camarades et les regards des passants, bien curieux d’ailleurs : « mais pourquoi traîne-t-il encore avec ce sachet d’eau vide ? »

Même si l’on a toutes les bonnes ambitions du monde pour sauver la planète, en Guinée cela ne suffirait pas car c’est vraiment un parcours du combattant​.

Moi je traine dans mon sac mes ordures à longueur de journée. Je cherche toujours une poubelle d’où je pourrais m’en débarrasser quand  je suis en déplacement. C’est ce petit geste que je peux faire à mon niveau pour lutter contre la pollution des rues de ma capitale. Mais je l’avoue, à cause de cette action, je passe pour un “mec bizarre” devant mes camarades !

De l’ironie et du dédain! Voilà ce que je peux lire sur les visages de certains mes concitoyens quand je refuse de jeter mon sachet d’eau dans la rue ! Ils rient à pleines dents mais cela ne me décourage pas car je sais que je mène un combat. Et si la moitié de mes voisins acceptent d’imiter mes actions, cela serait mieux pour la planète. La Guinée redeviendrait la perle de l’Afrique occidentale. Pour cela, je continue mon combat de tous les jours :

– Je ne jette pas mes ordures dans la rue ;

– Je ne gaspille pas mon eau ;

– Je débranche tous mes appareils électriques en sortant de ma maison;

– Je sensibilise mon entourage et j’explique l’utilité de chaque geste qui contribue à sauver la planète !

Je n’ai pas eu la chance de vivre dans cette ancienne Guinée, cette “perle de l’Afrique occidentale”. Je fais partie de cette nouvelle génération qui a grandi en jouant au milieu ordures et des caniveaux bouchés. J’ai pataugé dans la boue et j’ai acheté des fruits posés à même le sol ! Et aujourd’hui, mon souhait le plus ardent c’est de redonner à ma Guinée son image d’antan et d’élever mes futurs enfants dans un environnement sain et durable.

 

*Article paru en premier lieu sur LVDJ-UNICEF

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